CE QUI DOIT ÊTRE ; L'ÉQUITÉ

I. INTRODUCTION

Avant-propos

On distinguera :

1. Ce qui est conforme aux exigences de la conscience morale, autrement dit ce qui renvoie à la seule autorité de la conscience de chacun.

Exemple : un homme à l’esprit droit (non retors). Idée, ici, de rectitude et d’obligation intérieure. Agir droitement, de manière honnête, intègre.

Cf. Rousseau : « Un cœur droit est le premier organe de la vérité »

2. Ce qui relève du juridique, des lois établies (ou de la coutume).

Une loi étant un énoncé normatif qui institue une interdiction ou une obligation (à la fois extérieure et relative).

On se référera au droit positif : à l’ensemble des lois existantes à un moment donné, dans une société déterminée.

Il s’agit d’un droit codifié, écrit et proclamé. D’où l’aspect solennel et publique donné au travail du législateur (celui qui fait les lois, les édicte). Ces lois  ne tombent pas du ciel. Elles sont le produit de délibérations en assemblée, de débats contradictoires.

Enfreindre, transgresser ces lois, c’est s’exposer aux sanctions ; encourir telle ou telle peine. Termes synonymes : interdit, illégal, illicite.

Il existe trois types d’infractions : les contraventions, les délits et les crimes.

Un acte délictueux ou criminel peut nous être imputé, nous avons alors à répondre de cet acte. Notre responsabilité pénale ou civile est engagée.

Le droit a ainsi une dimension institutionnelle et juridique. La Justice, est précisément cette institution chargée de dire le droit et de le faire appliquer. Le juge pèse, départage, arbitre. Il règle des différends, des litiges, rend un verdict ; statue. Il évalue les torts subis, le préjudice moral, les dommages, fixe le montant des réparations.

NB. On parlera d’institution judiciaire pour indiquer ce qui se rapporte au fonctionnement. Exemple : les Tribunaux chargés de sanctionner les infractions.

Remarque :  La seule conscience morale ne suffit pas pour assurer l’ordre social : des lois sont nécessaires.Le droit ne prescrit pas une moralité de nos conduites. Il ne dit pas ce qu’il faut faire.

Nous ne pouvons pas, en effet, évaluer des conduites humaines en recourant aux seules règles juridiques.

Trois idées clefs sont à retenir :

a) Le droit n’est pas le fait

Le droit exprime la valeur,ce qui doit être ; ce qui revêt une dimension générale, universelle

Le fait exprime ce qui est, ce qui se passe, ce qui arrive ici et maintenant, ce qui revêt une dimension particulière.

b) Réalité et idéalité du droit

Le droit est ce qui régit les rapports entre les hommes. A travers le droit se reflète une réalité sociale, économique, politique donnée (celle des formalités administratives, des échanges commerciaux, etc.).

Le droit est l’objet d’un réaménagement permanent. En se rectifiant, il vise à adapter les règles juridiques à des circonstances nouvelles.

On retiendra l’expression : " faire jurisprudence " . Celle-ci désigne ce qui fait autorité, sert d’exemple. La jurisprudence est l’ensemble des décisions judiciaires qui, dans l’examen d’une situation similaire, servira de règle pour les jugements suivants.

En s’attachant à établir les responsabilités individuelles ou collectives, le droit cherche à faire prévaloir un monde plus humain, plus équitable (véritablement soucieux de dépasser la justice théorique).

c) Pas d’ordre sans droit

Le droit – ce qui est dit, approuvé, promulgué – représente un système de normes permettant d’assurer l’ordre.

Il répartit les rôles, les charges, régule les rapports sociaux. Par là même, le droit indique une exigence de reconnaissance mutuelle, de réciprocité entre les hommes, d’universalité. Il rend ainsi possible la coexistence des libertés (publiques et privées).

Expression la plus vivante de la raison, le droit s’oppose foncièrement à la vengeance et à la violence.

Cf. Texte de Hegel : La vengeance  :



Est-ce dire que le droit limite l’exercice individuel de la liberté ? A quelles conditions une loi est-elle juste ? Et, dans quels cas pouvons-nous nous y opposer ? Le problème auquel nous tenterons de répondre est le suivant : quel est le fondement du droit ?

Par fondement, on entendra ce à partir de quoi une chose est possible, ce qui soutient un ensemble de phénomènes, garantit leur légitimité.

II. LÉGITIMITÉ DU DROIT 

Droit positif et droit naturel

Droit positif : celui-ci désigne l’ensemble des règles juridiques qui existent actuellement (le corps des lois).

Lois reconnues, promulguées, garanties. C’est le droit effectivement existant, institué. Le droit qui régit la vie sociale et qui est particulier à chaque société.

Légalité : ce qui est en conformité avec les lois positives.

Droit naturel : droit résultant de la nature raisonnable de l’homme. Ce droit est extérieur à toute formulation, à toute législation. Autrement dit, supérieur à toute convention. S’imposant à tout être doué de raison, ce droit désigne l’ensemble des exigences inscrites dans la nature humaine.

C’est un droit inaliénable (dont on ne peut être dépossédé).

Cf. Grotius (1583-1645) : « Le droit naturel est une règle que nous suggère la droite raison, qui nous fait connaître qu’une action suivant qu’elle est ou non conforme à la nature raisonnable, est entachée de la difformité morale ou qu’elle est moralement nécessaire ».

Ce droit découle de la nature humaine, ne peut être déterminé que par la raison et présente donc un caractère immuable, universel.

Problème : ce droit naturel peut-il servir de norme supérieure, (de référence) et de régulateur pour le droit positif ?

L’obligation légale peut, dans certains cas, être contestée au nom du droit et de la justice. Tout ce qui est permis par la loi est légal mais tout ce qui est légal est-il légitime ? Conforme " au bon droit "  ?

Se reporter au texte de Sophocle : Antigone  :


Deux points de vue, ici, s’opposent : pour Créon, les lois ont une valeur intangible. Le respect de ces lois doit avoir une valeur inconditionnelle. Il s’agir, avant tout, de maintenir l’ordre établi.
Pour Antigone, il existe un droit supérieur à l’autorité des lois.Pour défendre cet idéal, Antigone met délibérément sa vie en jeu.

Légitimité : ce qui est conforme à la loi supérieure de la raison (à la loi naturelle), à ce qu’exige la conscience morale elle-même.

Exemple : l’exigence de justice (de ce qui est dû) servant de critère d’évaluation morale. En ce sens, l’équité doit prévaloir. La considération attentive de chaque cas particulier doit permettre d’éviter une trop grande rigidité dans l’application de la loi.

Rappel : faire la distinction entre la lettre et l’esprit de la loi. Cf. Rousseau : « la lettre tue mais l’esprit vivifie ».