PRODUIRE, PAR LE TRAVAIL, NOS CONDITIONS
MATÉRIELLES D'EXISTENCE
1. Définition
le travail est une activité de transformation
nous permettant de répondre à un certain nombre de besoins et d’humaniser
le monde naturel. Ayant recours à la technique, le travail est
un élément médiateur. Il représente, en
effet, un pouvoir d’arrachement à l’être-là
des choses (au déterminisme de la matière). Le travail est pour l’homme le
moyen même de son émancipation, de son indépendance.
Tout
travail présuppose la représentation d’un objectif, la perspective d’un résultat
et, dans le même temps, une intervention de la volonté. Le travail est ainsi
le propre de l’homme puisqu’il lui permet de
se réaliser dans un continuel dépassement.
Le
travail ne peut donc être confondu avec la simple activité animale. Il est
spécifique à l’homme car il requiert la conscience d’un but, d’une fin.
L’opposition
entre besoins naturels et besoins culturels mérite examen.
« Ne
rien faire est la première et la plus forte passion de l’homme après celle
de se conserver. Si l’on y regardait bien, l’on verrait que, même parmi nous,
c’est pour parvenir au repos que chacun travaille, c’est encore la paresse
qui nous rend laborieux. » Rousseau, Essai
sur l’origine des langues, 1781.
Mais
si Rousseau dénonce l’aspect culturel du travail, c’est en tant qu’il contribue
à la dénaturation de l’homme (il l’éloigne de
manière irréversible de l’état de nature). Chez Hegel, au contraire, il constitue
un moment de représentation et de libération. L’esprit évalue son propre pouvoir
sur soi-même et les choses, ce par quoi l’homme devient
ce qu’il est.
Ne
porte-t-il pas cependant, en lui, un risque de déshumanisation ?
C’est ce que montre Marx dans les Manuscrits
de 1844.
2.
L’apport du matérialisme historique
La
thèse de Marx est la suivante : « ce n’est
pas la conscience qui détermine la vie mais, la vie qui détermine la conscience ».
Le
problème est de savoir comment nous produisons nos conditions
matérielles,
concrètes, d’existence. Il s’agit,
pour Marx, de montrer que tout système de pensée résulte de notre mode de
vie. D’où la nécessité de prendre en compte l’état des techniques à un moment
donné, dans une société donnée. Plus précisément, nous nous devons d’interroger
dans une économie de marché plusieurs facteurs : la concurrence, la compétitivité,
la formation et le déplacement des capitaux…
La
réflexion de Marx s’attache tout particulièrement à la
division du travail. Celle-ci fait intervenir la spécialisation et
l’automatisation et augmente, de ce fait, le gain de temps et la productivité.
Elle traduit aussi des oppositions de classe.
Marx distingue plusieurs concepts-clefs :
La
force de travail : c’est-à-dire l’ensemble des forces physiques
et intellectuelles requises pour travailler. L’accent est mis sur l’entretien
et la reproduction de cette force de travail. Cette dernière crée de la valeur.
La
plus-value : ce qui est assimilé à un surtravail. Le travailleur
(l’ouvrier) produisant plus qu’il n’est nécessaire à sa survie. Une partie
de son travail n’est pas rémunérée ; sa rétribution est en deçà de la
valeur crée par son travail. C’est ce qui permet, autrement dit, d’accumuler,
de générer des capitaux pour la grande industrie (manufactures, fabriques).
Cette dépossession des moyens de production porte la marque du sacrifice, de la mortification. Exploitation dénoncée par Marx : « l’ouvrier met sa vie dans l’objet. Mais alors celle-ci ne lui appartient plus, elle appartient à l’objet » Manuscrits de 1844. Ceci signifie que l’ouvrier ne peut découvrir dans le produit de son travail (dans la forme objectivée de ce qu’il a lui-même produit) son propre projet ; ce qui par voie de conséquence l’appauvrira intellectuellement.
La
dénonciation de Marx est principalement axée sur le
fétichisme de la marchandise
qui peut s’énoncer ainsi : une marchandise vaut une autre marchandise.
Ce fétichisme repose sur la croyance que les choses ont une valeur en elles-mêmes
or les choses ne sont que du travail cristallisé. Ne pas confondre, en effet
valeur d’usage et valeur d’échange.
Par valeur d’usage, il faut entendre ce qui est orienté vers la consommation du producteur : les objets utiles, capables de satisfaire tel ou tel besoin.
La valeur d’échange, quant à elle, peut être
définie comme la possibilité donnée par un objet d’en acquérir
d’autres. Biens qui permettent d’acquérir d’autres biens.
3.
Existe-t-il une issue à cette situation ?
Pour
Marx, la réappropriation des forces productives passe par l’émergence d’une
conscience de classe et la redistribution des moyens de production. Cette
conscience de classe n’est nullement autonome, elle traduit et accompagne
bien plutôt les bouleversements économiques et matériels.
Dans
l’optique marxiste, la révolution traduit un conflit entre le développement
des forces productives et les rapports de production existants : prolétariat
/ bourgeoisie (dans cette seconde moitié du XIXème).
Est-elle, pour autant, le seul moyen de dépassement ?
D’autre
part, comment comprendre aujourd’hui cette double revendication : réaffirmer
un droit au travail et tenter de se libérer du
travail par le loisir (des fins personnelles librement choisies) ?
L’humanisation des conditions de travail reste un préalable indispensable.
Comment donc concilier le souci de créativité et le souci de reconnaissance
sociale ?