LA VERTU S' ENSEIGNE-T-ELLE ?

 

Ménon : " Pourrais-tu me dire, Socrate, si la vertu s’acquiert par l’enseignement ou par l’exercice, ou bien si elle ne résulte ni de l’enseignement ni de l’exercice mais est donnée à l’homme par la nature ? "

Autrement dit, existe-t-il des maîtres de vertu ? Sinon la vertu est-elle un don naturel ?

Il ne s’agit pas, comme le fait Ménon, de multiplier les exemples de conduites vertueuses. Comment, en effet, répondre à la question de départ si on ne sait pas en quoi consiste la vertu ?

Socrate montrera que les prétendus maîtres dans l’art d’enseigner la vertu se contredisent.

Si elle était véritablement science, elle s’enseignerait. Peut-on alors la considérer comme un " bien " ?

Être homme de bien, incarné l’excellence est-ce un don naturel  (quelque chose d’inné) ou bien est-ce l’effet d’une inspiration divine ?

Problème rencontré: est-il légitime d’examiner la qualité d’une chose dont on ne connaît pas l’essence (la nature) ?

Les interlocuteurs cherchent, ici, à savoir quelle qualité doit avoir la vertu pour être transmissible. Réponse proposée : elle doit avoir le statut de science.

Or le simple fait d’attribuer, par avance, à la vertu la science comme qualité va entraver la bonne marche du dialogue. En présupposant qualité ce qui est proprement essence on compromet l’enquête.

En ramenant l’essence au rang de qualité, le dialogue bloque, devient aporétique nous plonge dans l’embarras.

Recourir à la méthode dite des hypothèses permet de progresser dans le domaine mathématique mais ne peut convenir à l’étude des valeurs morales.

L’hypothèse, dans Le Ménon, ne s’enracine pas dans un terme supérieur qui lui servirait de fondement.

D’où la nécessité d’établir un solide découpage dialectique, de bien connaître les articulations naturelles (savoir découper le tout en ses éléments premiers).

Connaître de façon discursive c’est aller logiquement des principes à l’examen des conséquences.

On examinera attentivement l’extrait ci-dessous.

Cf. J.Labesse, Analyses et réflexions sur Platon, Ménon, Ellipses 1999.

" La dialectique est l’art d’exposer des arguments et des preuves, l’art de raisonner extérieurement pour convaincre les autres, alors que la logique est l’art de bien diriger sa raison dans la recherche de la vérité, donc l’art de raisonner intérieurement Cependant branche de la philosophie, elle englobe l’art de raisonner tout entier, et la logique renferme alors la dialectique comme un moyen de communiquer aux autres la vérité qu’on a préalablement découvert par un examen conduit selon des règles ".

 

ENSEIGNER-IGNORER-CONNAITRE.

Dans le Ménon, le fondement du savoir est recherché.

On distinguera plusieurs étapes :

Est ignorant celui qui est privé de savoir. Celui aussi qui ne désire pas savoir puisqu’il croit savoir.

Il est cependant possible de rechercher ce qu’on ignore.

Ménon : " ce dont tu te souviens pas, c’est avec assurance que tu dois t’efforcer de le chercher et de te le remémorer ".

Cf. théorie de la réminiscence. La connaissance apparaît ainsi comme le rappel d’un savoir jamais totalement effacé. Parallèlement le désir de savoir est une reconnaissance du vrai.

Socrate nous en administre la preuve en interrogeant le jeune esclave de Ménon.(ce dernier détient, en effet, à son insu un savoir).

La communauté de raison désigne, ici, une participation à l’universel.

La doxa est un savoir incertain (elle peut être vraie, elle peut aussi être fausse).

Ne pas confondre donc :

L’opinion droite – orthè doxa – ne peut donner raison de ce qui est su.

La vertu, en ce sens, peut être une opinion vraie.

La maïeutique est une méthode d’éveil. L’interrogation pique au vif (image de la raie-torpille).

Ménon : " Je suis tout engourdi, dans mon âme comme dans ma bouche, et je ne sais que te répondre ".

Socrate : " Ce n’est pas parce que je suis moi-même à l’aise que je mets les autres dans l’embarras, au contraire, c’est parce que je me trouve moi-même dans un extrême embarras que j’embarrasse aussi les autres ".