LA MATIÈRE ET SES REPRÉSENTATIONS

I. REPÉRAGES PRÉLIMINAIRES

Trois grands philosophes atomistes :

- DÉMOCRITE - 460 / - 370

- ÉPICURE - 341/ - 270

- LUCRÈCE - 98 / - 55

 

II. DÉMOCRITE

L’atomisme de Démocrite, n’est pas à proprement parler une théorie scientifique. Il y a toutefois dans cette représentation du monde des intuitions profondes qui intéressent notre modernité.

Discontinuité de la matière

Pour Démocrite, il existe des corps premiers qui "engendrent les choses par leur composition et leur entrelacement ". Ce sont les atomes : particules matérielles, insécables (indivisibles) qui constituent la trame même de tout ce qui existe.

Ces éléments se combinent, forment des assemblages provisoires, des agrégats, et se dissocient dans le vide. Les corps en se désagrégeant retournent à la matière. Il s’agit d’une conception matérialiste que l’on retrouve chez Épicure : " rien ne naît de rien et rien ne retourne au néant ".

Important : le vide est la condition nécessaire et non la cause du mouvement. Pas de mouvement local sans le vide.

Une preuve logique : si tout est plein alors le mouvement est impossible or le mouvement est réel. Nous pouvons le constater de manière empirique. Le vide existe donc. Ce que contestera Aristote.

Selon Démocrite tout ce qui se produit dans la nature (ce qui advient spontanément) peut être ramené à l’universelle nécessité, aux lois intangibles de la nature.

Le mouvement de ces atomes est éternel. Mais, il n’y a pas chez Démocrite, la recherche d’un "principe qui fonde cette permanence ".

Propriétés des atomes : la grandeur, la figure (la forme) et la chaleur. Démocrite distingue, les atomes corporels et les atomes mentaux (sphéroïdes). Ces atomes " un à un juxtaposés alternent tous " et forment une structure en damier.

L’âme ne saurait donc être considérée comme un incorporel.  

NB. Un rôle important est accordé à l’air, à l’inspiration. Dans le sommeil, le souffle est raréfié. Lorsque la mort se produit, un grand nombre d’atomes sphériques est expiré.

 

III. LES PHYSIOLOGUES

Héraclite… Empédocle et Anaxagore… Thalès, Anaximandre, Anaximène…

Idée-clef : la diversité du sensible peut être réduite à 4 éléments ou à l’un d’entre eux seulement.

Au Vème avant J.C, Empédocle compare la composition de la matière à un briquetage. Les quatre éléments premiers : l’air, l’eau, la terre, le feu sont régis par l’amour et la haine.

Anaxagore affirme également, au Vème avant J.C, que la génération se fait "par juxtaposition mutuelle de petites parcelles ".

Exemple : " l’or est formé de ce que l’on nomme des paillettes " qui se resserrent entre elles.

Conception fort éloignée de l’atomiste Leucippe. Celui-ci compare la totalité de ce qui existe à " un tas de pièces d’or séparés ".

Pour Héraclite, Thalès, Anaximandre, Anaximène, il existe un principe premier de toutes choses. Ce principe ultime de tous les phénomènes sera le feu pour Héraclite ; l’eau pour Thalès et Anaximandre ; l’air pour Anaximène. 

 

IV. ÉPICURE

Pour Épicure, l’univers est un composé d’atomes et de vide existant de toute éternité. Les atomes sont des éléments simples et solides. Des corpuscules immuables et invisibles. Ces corps premiers ne peuvent être divisés. Leur mouvement est ininterrompu dans le vide. La quantité des corps, l’étendue du vide sont infinis. Un cosmos se forme lorsqu’ "un tourbillon de toutes sortes d’atomes s’est séparé de l’univers ".

Il existe ainsi une infinité de mondes (ce qui contredit la thèse de l’unicité du rité.monde…).

Ces atomes qui se meuvent continuellement de toute éternité ont une grandeur, une forme (indéfinie), une pesanteur.

La pesanteur, les chocs, la déclinaison * (le clinamen) président aux mouvements des atomes.

NB. Cette idée de déviation – selon un angle minimal – est surtout présente chez les disciples d’Épicure.

Dans cette représentation matérialiste (sensualiste), la sensation occupe une place centrale ; c’est l’un des principaux critères de la vérité. Toute sensation se rapportant aux différents mouvements des atomes.

La nature (la phusis) est réglée par un ensemble de lois fixes et immuables. Faire sien la connaissance de la nature, c’est être sur la voie du bonheur. Encore faut-il que nous calculions ce que nous procurent les affections : les plaisirs et les peines. L’obtention d’un plaisir stable, et par là, de la vie heureuse n’est possible que par la régulation des désirs. Pas de souverain Bien sans prudence. Eliminons les faux désirs et les craintes vaines.

Cette vision atomistique permettra à Épicure de tenir le mythe à l’écart et de borner nos craintes et nos désirs.

Dans la Lettre à Ménécée, Épicure définit un quadruple remède :

1.Il n’y a rien à craindre des Dieux. Ceux-ci vivent dans des inter-mondes (intervalles entre les mondes) et n’interviennent pas dans nos affaires.

2. Il n’y a rien à craindre de la mort. Celle-ci n’est qu’une privation de sensation.

" La mort n’est rien pour nous, puisque quand nous sommes, la mort n’est pas là, et, quand la mort est là, nous sommes plus ".

3. On peut supporter la douleur. Les plaisirs et les peines doivent toujours être estimés à leur juste valeur.

4. On peut atteindre le bonheur. Le souverain bien est un plaisir dûment réglé et capable d’apaiser notre âme.



V. LUCRÈCE

Lucrèce distingue les atomes lisses et ronds et les atomes crochus ou avec des aspérités.

Les premiers, forment tous les corps susceptibles de nous affecter agréablement.

Les seconds, forment tous les corps susceptibles d’être désagréables à nos sens. La forme des atomes ne variant pas à l’infini, il existe ainsi une beauté maximale et des limites au déplaisir.

Tous les atomes sont dépourvus de qualités secondes. Ils ne sont ni chauds, ni froids, ni sonores. N’ont aucune saveur, odeur ou couleur.

La pensée de Lucrèce est un antifinalisme.

Lucrèce dénonce l’absurdité des mythes, élimine toute intervention divine. L’homme n’est plus au centre de la nature. Et, celle-ci n’est orientée vers aucune fin.

L’organe est antérieur à l’usage. L’organe crée la fonction (les organes dont nous disposons, n’ont pas été créés en vue de nos besoins). Rappel : ne pas mettre l’effet avant la cause !

" Ni la vision n’existait avant la naissance des yeux, ni la parole avant la création de la langue : c’est bien plutôt la naissance de la langue qui a précédé de loin celle de la parole ; les oreilles existaient bien avant l’audition du premier son ". Lucrèce, De la nature.

Comment dès lors, Lucrèce, répond-il à la question des monstres ?

Les monstres sont des créatures non viables, des ratés de l’ordre naturel. Des aberrations. Lucrèce distinguera parmi ces monstres : Les êtres produits de toutes pièces par l’esprit humain, les êtres ratés, non conformes à la nature (ex : les hermaphrodites), les êtres dénaturés (atteints de difformité morale).

Compte tenu, au début, d’une plus grande diversité d’atomes, le risque de ratages augmente. La nature procédant par une suite d’essais et d’erreurs, certains êtres, seulement, ont pu profiter de ces avantages natifs.

Des règles précises régissent toutefois l’assemblage des atomes (toutes les combinaisons ne sont pas permises).

Conclusion : la pensée atomiste qui occupe une assez large période aura des répercussions très importantes tant sur le plan de la physique que de la morale. Elle s’oppose aux conceptions aristotéliciennes de la matière et du mouvement ci-dessous résumées.

 

VI. ARISTOTE - 384 / - 322

Continuité de la matière

Aristote distingue deux types de mouvements : les mouvements naturels et les mouvements violents.

Par mouvement naturel, il faut entendre une tendance à suivre ce qui est dans l’ordre de la nature. Une pierre qu’on lâche ira vers le bas, une flamme vers le haut.

Tout corps placé hors de son lieu naturel, tend à revenir à la place qui lui a été assignée par la nature. Tous les corps, en effet, "aspirent" au repos.

Le mouvement violent, témoigne d’ un arrachement au milieu naturel. C’est par une action par contact que le mouvement sera transmis. Aucun mobile ne peut être en mouvement violent sans cause.

Problème : pourquoi une pierre qu’on vient de lancer, et qui est donc séparée de la main, poursuit-elle son mouvement ?

La pierre qui est jetée produit un déplacement d’air qui frappe et pousse le projectile vers l’avant. Autrement dit, le mobile progresse dans un milieu plein. Le mouvement peut alors être défini comme un ensemble de substitutions progressives (chaque corps cédant la place à un autre).

Exemple : la nage d’un poisson. En avançant, celui-ci repousse en arrière cette même eau qui sert à le déplacer.

Autre problème : pourquoi la pierre ne se déplace-t-elle pas indéfiniment ?

Il convient de tenir compte de la résistance du milieu. Il existe un lieu naturel de la pierre : le centre de la terre.

Pour Aristote, un mobile en mouvement rectiligne uniforme, c’est-à-dire dont la vitesse ne subit pas de changement, doit être soumis à une action uniforme (à une force constante).

Ce qui est contraire au principe d’inertie (dans cette formulation – moderne – le mouvement s’effectue justement lorsque aucune force n’agit sur le mobile).

Conclusion : Pour Aristote, un corps ne peut acquérir une vitesse infinie car la nature a horreur du vide.

Toute génération ou corruption (altération) requiert une cause, un premier moteur. Tout ce qui existe n’a pu être réglé que selon des intentions divines préétablies.

D’où le principe aristotélicien : la nature ne fait rien en vain.