LA NATURE

A. Un double sens

1.Nature :
l’essence, le fond permanent et commun ; les caractères, les propriétés, les traits universels de l’être.

2.Nature :
les réalités qui existent indépendamment de l’homme ; le milieu donné.

Deux grandes étapes doivent être distinguées :

a. La nature est vénérée

Nous retrouvons, ici, la force des liens originels, l’ antique alliance avec une nature toute puissante. Une Mère -Nature, matrice des premiers mythes à travers lesquels l’homme projette ses craintes et ses espoirs.
Le désordre, instance menaçante, est synonyme de risque et constamment repoussé. En ce sens, le monde, le Cosmos, est considéré comme un tout organisé et soigneusement ordonné.

b. La nature est désacralisée

Les découvertes techniques et les connaissances scientifiques contribuent à la laïcisation de nos représentations.
En fonction des sociétés et des mentalités, plusieurs idées peuvent se superposer ou s’exclure :

  • l’idée d’intégration (vivre dans la nature
  • l’idée d’adaptation ( vivre avec la nature
  • l’idée d’exploitation, de transformation (vivre de la nature).


    B. Nécessité et contingence

    L’ordre de la nécessité :

  • C’est-à-dire l’ordre de l’intelligible, de l’universel. Ce qui renvoie à l’hérédité ; à l’inné, à l’existence biologique, organique.

    Cet ordre de la nature, traduit un rapport constant, régulier entre les phénomènes.

    NB. On prendra, ici, en compte, la faiblesse naturelle de l’homme, la précarité originelle de sa situation dans le monde.

    L’ordre de la contingence :

    Tout ce qui désigne le relatif, le particulier. Ce qui renvoie à l’héritage : àl’acquis, au système de différences (coutumes, croyances, institutions…) Des règles, des obligations, des normes extrêmement variées régissent les rapports sociaux*.
    Nous sommes là, dans le domaine culturel. Par culture il faut entendre l’ensemble des productions intellectuelles propres à un milieu social institué (c'est-à-dire où l’on peut, de manière effective, exercer notre liberté). L’ingéniosité générée par la vie en groupe vient, en effet, compenser la fragilité et le manque qui, au départ, nous caractérisent.
    Le travail, élément médiateur, permet de nous détacher de l’animalité.


    *Un invariant universel cependant : la prohibition de l’inceste.

    " La prohibition de l'inceste est moins une règle qui interdit d'épouser mère, soeur ou fille, qu'une règle qui oblige à donner mère, soeur ou fille à autrui. C'est la règle du don par excellence",
    Lévi-Strauss, Les structures élémentaires de la parenté.

    voir rubrique Textes


    Problème :

    Comment distinguer le naturel et le culturel en l’homme ? En intervenant sur la nature l’homme, peut-il se construire (se déterminer, avoir une intelligibilité historique) ?

    Enjeu :

    Le fait de transformer le milieu naturel, permet à l’homme de mesurer son propre pouvoir sur les choses et d’aviver la conscience qu’il a de lui-même.


    C. Humanisation de la nature

    En se détachant du donné naturel (en le modifiant par le biais d’outils, d’instruments de plus en plus complexes), l’homme transforme la conscience de sa propre existence. Celui-ci se détermine par ses actions, son activité pratique quotidienne.
    On approfondira la distinction suivante :

    a. L’extériorité
    Un donné immédiat :
    le milieu naturel qui se caractérise par l’hostilité, l’étrangeté.

    b. L’intériorité
    Le pour soi : moment de la prise de conscience de soi où l’esprit se révèle à lui-même.Il y a chez l’homme une tendance profonde : celui-ci, en effet, intervient, modifie constamment ce milieu. Le milieu extérieur est transformé, humanisé. Les objets sont façonnés, portent la marque de son intériorité , manifestent sa liberté. Subjectivité vécue , la conscience émerge dans ce rapport au monde extérieur. L’homme mesure progressivement son pouvoir sur les choses. Un exemple, celui du jeu : le simple jet d’un caillou dans l’eau lui permet de devenir son propre spectateur. A cela s’ajoute l’appropriation culturelle de son corps (cf. les parures).

    L’homme se saisit, se reconnaît en produisant de manière active ses propres représentations.
    Autre exemple : l’œuvre d’art, objet esthétique " manifestation sensible d’une idée " Hegel.
    L’esprit se réalise, se donne à voir, devient source de jouissance. De ce fait, l’art s’énonce comme une création et non plus comme une imitation de la Nature. L’intervention sur la matière reflète ici (à un degré supérieur) la quête même de sa vérité.


     
           

    Conclusion :
    l’activité pratique, la praxis, spiritualise la nature.L’homme se réalise dans ses rapports avec le monde naturel extérieur. Ce dernier, étant par essence inachevé, se construit  ; invente son être propre. En intervenant sur le donné naturel (et sur son propre corps), il accède ainsi à une conscience de plus en plus marquée de sa propre existence.
    Cette transformation est au fondement de sa propre histoire.La nature apparaît alors comme "le miroir" de l’Esprit, le lieu d’action où l’homme se construit, s’accomplit.