LA LANGUE

 

SYSTÈME DE DIFFÉRENCES

 

 

Non seulement nous pensons dans le langage mais nous pensons dans une langue. Les termes utilisés peuvent être équivoques, ambigus. Mais nous ne pouvons jamais sortir du langage, dans la mesure où nous avons à communiquer. Et, c’est toujours avec des mots que nous tentons d’exprimer toute l’ambiguïté des mots. Le rapport aux mots traduit un rapport au monde.

Le langage désigne la faculté humaine de parler

La langue renvoie à l’exercice même de cette faculté dans une communauté donnée

La parole désigne la forme individuelle de cette faculté

La linguistique est la science qui étudie la langue dans son mode de fonctionnement propre.

Le rapport aux mots traduit un rapport au monde.

J.Lacan : « Le sujet aussi bien, s’il peut paraître serf du langage, l’est plus encore d’un discours dans le mouvement universel duquel sa place est déjà inscrite dès sa naissance, ne serait-ce que sous la forme de son nom propre. »

 

Le langage humain relate une expérience. Chaque récit est un prisme qui déforme ou présente cette expérience de manière toujours différente. « Parlant d’un même spectacle, selon que j’écris « le pont franchit la rivière » ou  « la rivière passe sous le pont » mon lecteur ne verra pas la même image. » Claude Simon . 

 

Si le « langage » animal s’apparente à une signalétique (un code de signaux fixes liès étroitement aux choses) le langage de l’homme reflète un détachement vis-à-vis des choses perçues. La mobilité et la plasticité des signes linguistiques permet de désigner les choses, les appelle à l’être.

« La pensée n’est rien d’intérieur, elle n’existe pas hors du monde et hors des mots. » Merleau-Ponty. Il ne peut y avoir, en effet, de pensée toute faite qui préexisterait aux mots ou de sons qui préexisteraient à la langue.

 

Une remarque : un indice fait partie de la chose, en traduit la présence. Un signe n’existe que parce qu’il est totalement détaché de la chose. Il n’existe aucun lien naturel entre le mot et la chose.

 

Définitions du signe.

Pour André Martinet celui-ci se définit « qu’en relation avec un signifié et un signifiant. Plus précisément tout signe linguistique comporte un signifié qui est son sens ou sa valeur et un signifiant grâce à quoi le signe se manifeste. »

  

Nous sommes là en présence d’un double arbitraire :

- le signifiant est globalement immotivé

- les éléments constituants du signifié sont eux aussi arbitraires

 

« L’idée de « sœur » n’est liée par aucun rapport intérieur avec la suite de sons s – ö – r qui lui sert de signifiant ; il pourrait être aussi bien représenté par n’importe quelle autre : à preuve les différences entre les langues et l’existence même des langues différentes : le signifié « bœuf » a pour signifiant b – ö – f  d’un côté de la frontière, et o – k – (Ochs) de l’autre. [ …]

    Le mot arbitraire appelle aussi une remarque. Il ne doit point donner l’idée que le signifiant dépend du libre choix du sujet parlant (on verra plus bas qu’il n’est pas au pouvoir de l’individu de rien changer à un signe une fois établi dans un groupe linguistique) ; nous voulons dire qu’il est immotivé, c’est-à-dire arbitraire par rapport au signifié, avec lequel il n’a aucune attache naturelle dans la réalité. »

F. de Saussure, Cours de linguistique générale (1906-1911)

     

Qu’est-ce qu’une langue ?

La langue est un système différentiel, c’est-à-dire un ensemble de différences conceptuelles et de différences phoniques issues de ce système. Les signes sont combinables à l’infini. Les signes n’ont pas de sens en eux-mêmes, ils n’acquièrent de sens qu’en fonction de la place qu’ils occupent dans la langue.

F. de Saussure : « La langue est comparable à une feuille de papier : la pensée est le recto et le son le verso ; on ne peut découper le recto sans découper en même temps le verso ; de même dans la langue, on ne saurait isoler ni le son de la pensée, ni la pensée du son. »  

 

Comment désignons nous les choses ?

Nous sommes très souvent prisonniers de l’idée qu’il existerait un vaste ensemble de choses ou de concepts communs à toutes les langues et que chacune d’elles désignerait par des termes différents. Or de la même façon qu’une structure grammaticale ne peut se superposer à une autre, un ensemble de termes ne se superpose pas à un autre.

Tout système linguistique génère des visions différentes du monde. Les choses ne peuvent pas être vues de la même façon car elles ne sont pas dites de la même façon. Il ne saurait donc y avoir de correspondance exacte entre un ordre du discours et un ordre du monde.