LA JUSTICE, VERTU CARDINALE

 

Rappel : les lois juridiques permettent de réguler les rapports sociaux. Elles garantissent la liberté de chacun en limitant la liberté de tous.

Le droit conditionne la coexistence des libertés individuelles.

Droit positif : l’ensemble des lois instituées (codifiées). Réalité sociale et historique concrète. Lois variables, soumises aux circonstances.

La Justice : institution chargée de dire le droit et de le faire appliquer (jus dicere : dire le droit ; rendre la justice).

L’idée de justice : cette idée désigne un idéal moral ; la réalisation d’une égalité entre les hommes. La justice est un objectif à atteindre, une exigence éthique, un modèle nécessaire. Il s’agit d’un principe moral universel, ce qui vaut pour tous et en tout temps.

Mais être juste, est-ce agir de manière conforme aux lois, être dans son bon droit ? Reste, bien sûr, à déterminer la légitimité de ces lois.

La justice n’est-elle pas avant tout ce qui relève de la vertu ?

NB. Si le droit positif doit permettre de respecter le droit naturel imprescriptible, extérieur à toute formulation, il convient toutefois de bien distinguer l’obéissance à la loi uniquement par crainte de la sanction et l’obéissance à la loi qui s’effectue de manière rationnelle, c’est-à-dire en toute connaissance de cause.

Être juste : ne veut pas dire agir seulement dans la stricte légalité mais se régler sur l’intention morale qui gouverne nos actes (position kantienne).

Problème : suffit-il, pour être juste, d’agir conformément aux lois ou bien le respect de la loi est-il une condition nécessaire mais non suffisante ? Le droit est-il totalement autonome ou bien doit-il se régler sur un idéal de justice ?

Se contenter d’appliquer le droit ne peut répondre à la véritable exigence de justice.

La justice : c’est un principe de la raison *, une norme universelle du droit. La justice sert de règle, de modèle, d’idéal.

Cf. Cicéron (-106 / -43) : « il existe une loi vraie, c’est la droite raison *, conforme à la nature, répandue dans tous les êtres, toujours d’accord avec elle-même, non sujette à périr, qui nous appelle impérieusement à remplir notre fonction, nous interdit la fraude et nous en détourne » République III. 22.

C’est la nature qui a mis en nous ce sentiment de justice. Pour parler du droit, nous devons donc partir de la loi. La diversité des législations (du droit positif) ne fait que traduire l’universalité de la nature raisonnable de l’homme.

La justice apparaît alors comme une vertu cardinale car elle nous permet de réguler notre rapport aux autres ; de rendre notre conduite plus raisonnable en nous efforçant d’ offrir à chacun ce qui lui est dû.

Aristote (-384 / -322) : « la justice contient toutes les autres vertus ».

On distinguera :

1. Ce qui est conforme à la loi positive

2. Ce qui est conforme à l’équité et au respect des personnes.

L’équité exprime le souci de dépasser la justice théorique pour s’intéresser à ce qui convient à chaque cas particulier, à chaque situation singulière.

A. La nécessaire recherche d’un équilibre

Une finalité : faire prévaloir l’intérêt général, le bien commun.

Pour Aristote, la justice est cette « disposition à accomplir des actions qui produisent et conservent le bonheur et les éléments de celui-ci pour une communauté politique », Éthique à Nicomaque, V.3.

La justice distributive :

Elle concerne la distribution des honneurs, des charges publiques, des richesses (les bénéfices tirés de ces charges) et ceci proportionnellement aux qualités des membres de la Cité. C’est-à-dire en fonction des capacités et des mérites de chacun.

"A chacun selon ses œuvres" ; "à chacun selon son mérite". Le principe de proportionnalité géométrique anime cette justice.

La justice corrective (ou rectificatrice) :

Elle porte sur les transactions entre les individus ou compense un dommage.

Au sens aristotélicien, l’injustice est un « excès ou défaut disproportionné de ce qui est avantageux ou dommageable ».

Ce type de justice rétablit un contrat qui n’a pas été respecté ou répare un tort ou une blessure. Il y a là recherche d’un juste milieu, d’un moyen terme « entre l’injustice commise et l’injustice subie, l’une consistant à avoir trop, et l’autre trop peu », Éthique à Nicomaque, V.9.

Le principe d’égalité mathématique anime cette justice.

B. La vertu de juste milieu 

C’est, nous dit Aristote, une « disposition acquise volontaire consistant, par rapport à nous, dans la mesure, définie par la raison conformément à la conduite d’un homme réfléchi. Elle tient la moyenne entre deux extrémités fâcheuses, l’une par excès, l’autre par défaut […]. La vertu consiste en une juste moyenne, par rapport au bien et à la perfection, elle se place au point le plus élevé », Éthique à Nicomaque, 1.II. ch.VII.

L’objet de la justice— l’établissement d’un juste milieu repose en dernière instance sur le principe d’égalité.

Un problème : quelle est la nature du mérite ?

Aristote : « En ce qui concerne les partages tout le monde est d’accord qu’ils doivent se faire selon le mérite de chacun. Toutefois on ne s’accorde pas communément sur la nature de ce mérite, les démocrates le plaçant dans la liberté, les oligarques* dans la richesse ou la naissance, les aristocrates dans la vertu ».

* Oligarques : régime politique ou le pouvoir est entre les mains de quelques personnes ou de quelques familles.

Qu’entendre donc par mérite ?

Ce terme peut désigner plusieurs choses :

  1. Un ensemble de compétences actualisées (réalisées)
  2. Le méritant. Celui qui par des efforts personnels surmonte un certain nombre d’obstacles. Il y à là, l’idée d’un parcours , construit pas à pas pour acquérir telles ou telles compétences.
  3. La dignité morale. Le méritoire, l’émérite expriment la vertu des actions individuelles.