INTENTIONNALITÉ DE LA CONSCIENCE

 

 EN-SOI ET POUR SOI

TEXTE DE J.P SARTRE

« Connaître, c'est "s'éclater vers"[…] Husserl la nomme intentionnalité », Situations I, Gallimard, 1947, PP.32-33.

Deux modes d’existence sont à distinguer :

- ce qui existe en soi : le monde des choses

- ce qui existe pour soi : la conscience.

 

A.   L’EN-SOI

Ce qu’est une chose dans sa nature propre. L’être est ce qu’il est : les choses sont ce qu’elles sont. On parlera d’une plénitude massive, d’une pure passivité, d’un « plein d’être » de ces choses. Chaque chose coïncide avec ce qu’elle est, l’adéquation est entière. La chose est un être-en-soi.

Je saisis cette table, dans l’espace, avec ses qualités. Je formule un jugement d’identité. Cette table est ceci et cela. Elle a une forme, une couleur, une position.  

 

 

B.   LE POUR-SOI

Il convient d’entendre la conscience comme présence à soi mais aussi comme présence au monde.

« L’être du pour soi se définit au contraire comme étant ce qu’il n’est pas et n’étant pas ce qu’il est ». Sartre, L’Être et le Néant, 1943.

 

L’être est ce qu’il n’est pas et n’est pas ce qu’il est.

 

L’être est ce qu’il n'est pas : la conscience se représente ce qu’elle n’est pas. Il s’agit d’un mouvement de la conscience tendue vers le possible et l’avenir.

L’être n’est pas ce qu’il est : la conscience n’est en aucun cas réductible au passé. 

La conscience n’est rien en elle-même, elle n’est ni ceci ni cela. Ce n’est pas une substance (une chose qui n’aurait besoin que d’elle-même pour exister).  Elle est « sans dedans ».

Pour advenir, elle doit se faire manque d’être. Sans cette capacité de néantisation, de « décompression d’être » elle ne pourrait surgir et se projeter.

Ceci signifie que la conscience ne peut jamais se saisir comme un objet avec sa consistance, sa permanence puisqu’elle a foncièrement à être. Elle n’est rien que «le dehors » d’elle-même, c’est-à-dire une série d’arrachements à nous-mêmes.En ce sens, la conscience est toujours « hors de soi ». Elle se caractérise par une capacité d’échappement vers autre chose que le donné, l’en-soi des objets.

Nous n’existons que dans la distance, la séparation, la scission. Nous sommes toujours au-delà de toute détermination puisque nous avons à nous construire (à nous faire être).

C.CONCLUSION

Deux philosophies s’opposent : celle de l’immanence et celle de la transcendance.

a) Une philosophie de l’immanence qui désigne le rapport intime à soi, l’examen introspectif.

Démarche cartésienne où la conscience se saisit elle-même dans l’évidence première de l’ego cogito (du je pense).Mais ceci au prix d’une profonde opposition, d’un dualisme âme/corps. Nous avons, en effet, d’un côté une substance pensante, capable de se saisir intuitivement et de l’autre, un ensemble de mécanismes corporels (beaucoup plus difficiles à connaître comme le notera Descartes).

Toutefois, cette conscience n’est pas entièrement refermée sur elle-même. Le risque de solipsisme, d’isolement avec soi-même est écarté : tout effet exigeant une cause Dieu est ainsi, pour Descartes, par sa véracité le seul garant de la réalité extérieure et par là-même de mon rapport au monde.

b) Une philosophie de la transcendance qui indique une activité entre le sujet et le monde ; un mouvement permanent de l’être , une tension, un éclatement. Au regard passif sur les objets se substitue une interrogation sur les actes qui me permettent de les saisir. C’est la manière dont les objets m’apparaissent qui est désormais examinée, décrite.

On se reportera aux travaux de Husserl (1859-1938) et de Sartre. La conscience n’est plus "close" sur elle-même mais se projette au monde. Cette conscience désigne, nous dit Sartre, la nécessité « d’exister comme conscience d’autre chose que soi ».

Toute conscience est conscience de son objet (c’est-à-dire est toujours reliée à un objet pensé). Ensemble d’états intentionnels où chaque mode de pensée vise son objet à sa manière. « La perception de la « maison » « vise » (se rapporte à) une maison - ou plus exactement, telle maison individuelle - de la manière perceptive ; le souvenir de la maison « vise » la maison comme souvenir ; l’imagination, comme image […] et ainsi de suite ». Husserl, Méditations cartésiennes, Introduction à la phénoménologie, 1929.