DES HISTOIRES CRÉENT DE TOUTES PIÈCES |
Le vol d'Icare
de Breughel, plein de soleil, est l'expression même de la solitude, non pas
de l'égoïsme, mais de l'indifférence qui isole les hommes les uns des autres.
Il a sans doute raison, ce laboureur, de tracer son sillon pendant qu'Icare
se tue. Il faut que la vie continue, que le grain soit semé ou récolté pendant
que d'autres meurent. Mais on souhaiterait qu'il lâche sa charrue et aille
au secours de son prochain. Je me trompe peut-être et sans doute ignore-t-il
qu'un homme se tue. Il est aussi inconscient que la mer et le ciel, que les
collines et les rochers. Icare meurt, non pas abandonné mais ignoré. Chacun
de nous est comme ce laboureur. Chaque fois que l'on sort, on passe à côté
d'un désespoir, d'une souffrance ignorée. On ne voit pas les regards implorants,
ni les misères de l'âme ou du corps. Je suis loin de mon prochain. Si j'en
étais vraiment proche, j'abandonnerais toujours sans même y réfléchir ce que
je suis occupée à faire, pour aller vers lui.
Nous avions été
Icare. Dehors, le monde continuait.
A. Philipe, Le Temps d'un soupir.
"Aucun laboureur ne s'arrête pour la vie d'un homme" (Proverbe)
Bruegel,
Paysage
avec la Chute d'Icare, 1558.
Musées
Royaux des Beau-Arts, Bruxelles