LA CONSCIENCE

 

CONCEVOIR AU SENS CARTÉSIEN

 

 

I. TEXTE DE DESCARTES

 

Extrait des Méditations métaphysiques, 1641, Méditation seconde .CPropositions de lecture: Voir TEXTESC  :

 

Constat établi par Descartes : l’âme est plus aisée à connaître que le corps. Il convient donc de nous engager dans la connaissance de celle-ci.

 

Objectif : clarifier l’acte de connaître ; montrer que les objets ne sont connus que par l’esprit.

 

Thèse : la connaissance du réel ne résulte que de l’intervention de notre entendement.

 

Examinons les choses que « nous croyons comprendre le plus distinctement ». Les choses les plus communes, les choses sensibles (celles que nous pouvons voir, toucher, sentir…).

Nous croyons que ces choses corporelles nous sont plus accessibles ; qu’il n’y a pas de véritable connaissance sans l’entremise, l’intervention de nos sens. Mais ne devons-nous pas, à l’examen, remettre en question ce pouvoir attribué à la sensibilité.

 

Prenons un morceau de cire, un objet facile – en apparence – à connaître. Ses qualités sont distinctes : sa saveur, son odeur, sa couleur, sa figure, sa consistance…ne sauraient être confondues avec celles d’un autre corps. Toutes ces propriétés sont connues avec distinction.

Lorsqu’on approche ce morceau de cire d’un feu, toutes ces qualités se modifient. Nous percevons des formes très changeantes. Il s’agit cependant de la même cire (eadem cera). Je la conçois comme étant la même. L’idée d’identité est pour moi manifeste .

Malgré ces différentes variations quelque chose donc demeure et ne nous renvoie pas aux sens.

 

Ajoutons que ce que je conçois ne relève pas, non plus, de l’imagination. Cette dernière est d’une puissance limitée. Je ne peux, en effet, me représenter ce qu’est un chiliogone (une figure à 1000 côtés) ou un myriogone  (une figure à 10000 côtés). 

 

L’imagination est une puissance de représentation. Elle me permet de produire des images. Son pouvoir est exclusivement sensible. Dans l’acte même d’imaginer, l’esprit est tourné vers le corps.

 

Reconsidérons, avec plus d’attention, ce qu’est cette cire.

La cire est « quelque chose d’étendu, de flexible et de muable ». C’est une chose étendue (res extensa). Extension pouvant comprendre une infinité de changements. Sa figure peut-être ronde, carrée, triangulaire…etc… Or mon imagination ne peut englober la totalité de ces variations (la multitude des aspects que cette chose peut prendre). Il s’ensuit que toutes les formes particulières que peut recevoir la cire ne sont pas essentielles à la substance de la cire.

Pour concevoir ce que c’est que la cire, pour concevoir clairement et pour parvenir au vrai, mon entendement est nécessaire.

 

Reconnaître l’identité de la cire est une fonction du jugement. Cette saisie intellectuelle ne dépend pas du corps. Je la conçois par pure intellection, par inspection de l’esprit.

 

L’entendement est une puissance de concevoir. C’est la puissance de juger qui est en moi. Dans l’acte de concevoir, l’esprit est tout entier tourné vers soi-même.

 

Conclusion : concevoir, c’est considérer les idées que nous avons en nous-mêmes.


II. UNE TENTATIVE POUR CLARIFIER L'ACTE DE CONNAÎTRE


Qu’est-ce qui rend possible un jugement d’identité ? Est-ce notre sensibilité (nos sens) ? Notre imagination ?

Connaissons-nous plus immédiatement les choses (les corps) que notre propre esprit ? Qu’en est-il, autrement dit, de l’acte de connaître ?

 

Constat sensoriel : les propriétés d’un morceau de cire se trouvent transformées lorsque nous l’approchons du feu. Nous considérons cependant qu’il s’agit de la même cire.

Nous savons que cette cire peut prendre une infinité de formes et de figures et qu'elle ne peut donc être définie à partir d’une forme particulière. Nous pouvons seulement dire que la cire est « quelque chose d’étendu, de flexible et de muable ».

 

Descartes montre que l’entendement seul – la puissance de juger – rend possible le jugement d’identité. Bien que les modifications de ce morceau de cire soient innombrables nous sommes toujours en mesure de saisir l’essence même de cette cire. Cette opération de l’esprit est première.

La substance de la cire (ce qui demeure) n’est pas réductible ses accidents, c'est-à dire à la somme de ses transformations successives.

Inutile alors de faire dériver la connaissance que nous avons des choses de l’imagination. Cette dernière est bornée. Nous ne pouvons pas, par le seul truchement de notre imagination, découvrir ce qu’est l’essence de la cire. La cire, en effet, peut revêtir des formes extérieures d’une très grande complexité. En nous appuyant exclusivement sur notre imagination, il nous est impossible d’en avoir une représentation exacte ; l’essence même de la cire nous échappe.

 

L’acte de connaître résulte « d’une pure intellection ». Concevoir, c’est faire usage des idées qui sont en nous. La connaissance que nous avons des corps matériels ne se fait pas par l’entremise des sens mais bien par une inspection de l’esprit. Descartes fait primer ainsi la connaissance de l’âme sur celle des corps.

 

Exercice :

Pourquoi attribuons-nous une identité aux êtres et aux choses malgré leurs incessantes transformations ?

On rapporte qu’un certain nombre de planches du bateau de Thésée étaient changées périodiquement mais pour les marins grecs, il s’agissait toujours du même bateau.

Imaginons maintenant comme l’a fait Hobbes qu’on ait récupéré les planches d’origine et construit un autre bateau. Lequel des deux doit-on nommer en priorité bateau de Thésée ?