DIONYSOS
Coupe
d’Exékias (vers 540).
Dionysos Museum
antiker Kleinkunst Munich
Coupe
unique à plus d’un titre.
Elle représente un navire, à l’intérieur de la vasque qu’aucun médaillon ne
limite. Mais ce navire, entouré de sept dauphins
bondissant, n’est pas tout à fait ordinaire. Une immense vigne surgit
du pont ; mariée au mât du bateau qui lui sert d’échalas, elle s’étale
largement et mêle ses grappes, en nombre égal, aux dauphins qui entourent le
vaisseau, lui-même décoré d’un œil et de petits dauphins blancs. Sur ce bateau,
point d’équipage ni de pilote : un seul maître à bord, Dionysos, couronné
de lierre, tenant une corne à boire. Il est allongé, de tout son long, sur le
pont comme sur un lit de banquet.
Ainsi se confondent le mât et la vigne, le navire et le lit du buveur. On a souvent associé cette image à l’hymne homérique en l’honneur de Dionysos, qui raconte comment le dieu, voyageant incognito, est capturé, lui aussi, par des pirates qui veulent le rançonner. Seul le pilote, qui suspecte la nature divine du passager, intervient en sa faveur, mais en vain. Les liens qui attachent le dieu se défont, le vin jaillit sur le pont, une vigne couvre la nef et grimpe au mât ; les marins se jettent à l’eau et sont alors transformés en dauphins. On retrouve sur la coupe les dauphins et la vigne envahissante, mais le pilote est absent, et l’assimilation avec l’hymne homérique ne s’impose pas absolument. Il est clair cependant que l’on assiste ici à une épiphanie triomphale de Dionysos. Divers détails techniques renforcent cette impression : le motif qui orne l’intérieur de la coupe n’est pas encerclé, comme c’est l’habitude, par un médaillon ; tout l’espace disponible est occupé par le dieu.La limite horizontale de la mer n'est pas indiquée, les dauphins atteignent les branches ; l'espace circulaire de la coupe est, d'une certaine façon, sans limites. La limite horizontale de la mer n’est pas indiquée, les dauphins atteignent les branches ; l’espace circulaire de la coupe est, d’une certaine façon, sans limites. Enfin, le vernis de ce vase n’est pas noir mais rouge, d’un rouge corail obtenu grâce à une technique particulière de cuisson et dont la teinte renforce l’effet visuel de la couleur du vin.
Ainsi triomphe Dionysos, banquetant sur la mer vineuse, maître incontesté du végétal et de l’espace marin, maître également des métamorphoses et des métaphores imagées.
François Lissarrague, Un flot d’images. Une esthétique du banquet grec, Editions Adam Biro.